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Pieds nus sur la terre sacrée


La phrase culte des Amérindiens inspire cette pratique, où nous proposerons à nos patients un voyage qui les ramène les pieds sur terre. Nous allons intégrer la nature comme alliée et voir cet espace de ressource fondamental, avec la pratique que nous nommons « Lieu Sacré » ou lieu essentiel de la nature. Ils vont le visualiser avec tous leurs sens en éveil, en état amplifié de conscience, alliant corps, présence et mémoire



Une connexion toujours présente

Les enseignements simples et profonds qui viennent de la nature, amènent à changer la perception de soi-même dans l’environnement. Nous traiterons dans un prochain article de la sylvothérapie, mais nous allons nous centrer ici sur l’usage en intérieur des ressources naturelles accessibles en chacun. La nature est utilisée comme une métaphore effective de la santé relationnelle.


Grâce à un environnement sain, la personne peut sortir de son symptôme ou son malheur pour s’ouvrir, se connecter à une santé primordiale, toujours accessible.

Grâce à un environnement sain, la personne peut sortir de son symptôme ou son malheur pour s’ouvrir, se connecter à une santé primordiale, toujours accessible. La terre et le ciel, la lumière du soleil, la pluie et les saisons, les arbres, les rivières, les montagnes et les océans, tout cela murmure à notre coeur dès le berceau. Ce lien fondamental demeure, malgré les vicissitudes de la vie, et peut être retrouvé s’il était perdu. Dans le chamanisme, le rapport instauré au lieu sacré de la nature, fait sentir à la personne qu’elle peut se relier au monde. La nature n’est pas simplement un accessoire, ni un décor, il s’agit d’une alliée, d’un ancrage vivant qui ramène dans le corps, dans le présent. Une possibilité d’accordage sécure. Voire même une co-régulation, dans le sens de la thérapie polyvagale.


Un aspect fondamental du Lieu sacré est qu’il existe. Il s’agit d’un lieu naturel que la personne connaît et aime. Vu une seule fois, ou habité pendant toute l’enfance, un lieu anodin ou extraordinaire. Pour l’une ce sera le chêne dans le jardin derrière la maison familiale en Lorraine, pour l’autre un majestueux lac vu en voyage dans les Andes. Ce qui compte, c’est la qualité de connexion, de lien au lieu, d’amour pour cette nature. Il est important de percevoir ce lieu dans le présent, savoir qu’il existe quelque part aujourd’hui, vivant, naturel, organique. La personne peut s’y relier dans la réalité. Le Lieu Sacré utilise le penchant naturel de la personne pour y amener de la conscience et une certaine intention de relation. L’objectif est ainsi de créer un endroit à l’intérieur du patient où celui-ci va se sentir en sécurité, à sa place, un espace réellement là pour lui, à l’accueillir pleinement, inconditionnellement.


Retrouver l’unisson naturel

Pour les personnes qui ont été traumatisées dans le lien, négligées, abusées, qui souffrent d’un trouble de l’attachement, le fait d’avoir un lien sécure avec un lieu permanent est un cadeau inestimable ! Créer un système d’accordage avec quelque chose qui n’est ni humain, ni animal, qui n’a pas de conscience, permet d’éviter beaucoup de niveaux d’angoisse liés à l’accordage humain dysfonctionnel. Une fois touchée par ce lieu, accueillie dans cet endroit du monde, la personne l’a pour toujours, elle ne va pas le perdre parce qu’un lien réel une fois établi est inaliénable, indestructible.


Et ce ne sont pas de simples mots, cela recoupe une réalité vécue. On le leur prouve en leur faisant faire sur-le-champ l’expérience. Le patient peut entrer en lien avec ce lieu-là, à l’intérieur de son corps et de sa conscience, pendant la séance. L’objectif est que la personne s’y relie consciemment, s’y accorde vraiment, le reçoive le plus pleinement possible. Elle plonge et va aller le ressentir dans une connexion profonde. Insistez sur tous les sens : percevoir, voir, goûter, les parfums, les sons entendus dans ce lieu… Dans le meilleur des cas, le Lieu Sacré est un lieu naturel, où la personne peut se retrouver seule.


Parfois le lieu peut se trouver en milieu urbain, y avoir des habitations, on l’accepte si cela correspond aux besoins du patient. Par exemple, quelqu’un a choisi le Skate Park où il se reconnecte au plaisir et sensations de la pratique sportive, de partage, de bonnes expériences. Pour un autre ce sera le petit coin de forêt où il peut aller courir librement, pour une autre encore, le jardin de sa grand-mère en Auvergne avec les montagnes en arrière-plan, ou telle plage de Bretagne pendant les vacances scolaires de l’enfance.

Dans la pratique, on fait sentir à la personne qu’elle est dans le lieu et en même temps que cela se passe à l’intérieur d’elle. Dans une formulation typiquement hypnotique, paradoxale, qui ne fait pas sens logiquement : « ce lieu dans lequel vous êtes et qui est à l’intérieur de vous ». Elle sent que ce lieu elle le porte en elle, le visualise, le ressent, il est en elle, il est inscrit là ET pourtant tout autour d’elle. Une fois cet ailleurs atteint, que la personne est vraiment en hypnose, les phrases insistant sur la connexion que la personne a avec ce lieu « ce lieu qui attend depuis toujours que vous lui demandiez de l’aide », « ce lieu qui vous attend, qui attend que vous vous réalisiez », « qui est là pour vous », « qui vous accueille, vous connaît, vous reconnaît », « là où vous pouvez être absolument tel que vous êtes » vont induire que le lieu a comme une conscience, ce qui renforce le sentiment d’être accueilli.


Comment utiliser le Lieu Sacré ?

Le Lieu Sacré a de nombreux intérêts, en voici les principales applications cliniques.


— S’enraciner dans une connexion avec les ressources corporelles. Le simple fait de dire « vous voyez, percevez, entendez…» prépare le futur travail avec le corps. La personne doit sentir la connexion à ce lieu, comme si elle y était debout pieds nus, elle s’enracine dans la partie basse du corps, jambes, bassin, pieds. Le Lieu Sacré n’est pas un espace flottant, pour la personne pouvoir s’enraciner quelque part induit une notion d’appartenance, un lieu élu, lieu d’élection de cœur, de choix, permet de sentir qu’on appartient à un endroit du monde qui nous accueille.


— Lieu de repli et de sécurité, pour souffler, pour être soi-même, tranquille, aller se ressourcer... En séance, si la fenêtre de tolérance est atteinte ou dépassée, revenez aux ressources antérieurement mises en place. La personne revient dans cet environnement contenant où elle est en sécurité, elle expérimente ainsi qu’il y a un repli possible, qu’elle n’est pas toujours face à l’impact du trauma, c’est un garde-fou rassurant.


— Traiter les traumas et les obstacles. C’est l’essentiel du travail, qui appelle de futurs développements.


— Lieu de réunion intérieur. Dans le cadre de la dissociation, c’est le procédé par lequel accueillir les parties émotionnelles (PE). Un lieu neutre, un lieu de transition qui n’est ni vraiment la réalité extérieure, ni purement la réalité psychique de la personne. L’objectif est de créer un lieu intermédiaire où la personne va pouvoir inviter des PE et créer de la co-conscience. Pour amener de la communication (les infos que certaines PE tiennent que d’autres n’ont pas, vont commencer à circuler), puis de la coopération (étape la plus difficile à obtenir entre les différentes PE). Cela permet à la personne de réaliser certaines choses qui étaient cloisonnées dans sa conscience, non accessibles autrement, de ramener du jeu, de la communication à l’intérieur. La personne peut en parler consciemment et sortir de l’amnésie traumatique.


Lieu de rencontre de la figure d’attachement interne ou animal de pouvoir. Nous avons déjà consacré un article à cette notion, emprunt au chamanisme, auquel nous renvoyons pour plus de précisions.


L’essentiel a retenir est que ce fameux Lieu Sacré n’est pas un endroit créé pour s’échapper de la réalité, mais une ressource profonde permettant d’intégrer le monde dans notre travail, intégrer de plus en plus de parts de la réalité, de parts de soi-même, y compris les plus inaccessibles. Il est donc important que ce soit un lieu bien réel, vivant ; il y a ainsi moins de risque de s’égarer dans les méandres de la conscience. Le Lieu Sacré se module selon les personnes, il se modifie en fonction des séances, change de saison, de climat, passe du jour à la nuit. En thérapie il n’y a pas de recette unique, c’est pourquoi toujours s’adapter au patient, lui faire confiance est essentiel.



Nicolas D’Inca

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