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En chemin vers le lieu du cœur

« On ne voit bien qu’avec le cœur,

l’essentiel est invisible pour les yeux. »

Saint-Exupéry


Et si une séance d’hypnose était l’occasion de se rapprocher de son cœur et d’y découvrir un espace merveilleux ? Et si, en installant le climat adapté et en accompagnant nos patients à se recentrer, nous leur permettions de trouver un chemin vers le lieu du cœur ?



Le symbole du cœur est commun à toutes les voies spirituelles comme étant une manifestation du vrai centre de l’être humain. Le véritable siège de l’âme et de l’esprit. Il s’agit d’une terre d’accueil, un espace intérieur où être en contact avec le monde, où se relier aux autres et à soi-même avec plénitude. Ce n’est plus la vision sentimentale de cet organe, siège des émotions dans notre monde moderne. C’est plutôt une disposition fondamentale, que la transe permet de retrouver. La prémisse de cette vision est qu’il y a quelque chose de bon en l’être humain, quelles que soient les épreuves traversées. Il est possible d’assumer sa propre vie, malgré tous les soucis et les obstacles, et de regarder ce qui est essentiel en soi.


Le symbole du cœur est commun à toutes les voies spirituelles comme étant une manifestation du vrai centre de l’être humain.

La vision est belle, et en pratique ? Il existe de nombreuses versions de protocoles pour construire un lieu de sécurité, ou encore faire voyager nos patients dans leurs mondes internes, passant du ressenti physique à l’imaginaire. Par amour des lieux naturels et en résonance avec les pratiques chamaniques, j’ai proposé à mes patients de pénétrer en eux-mêmes pour y trouver la ressource qui corresponde au lieu du cœur. Ce lieu peut être multiple, comme dans l’organe physique, qui comporte en haut les deux oreillettes et en bas les deux ventricules, ce qui fait quatre espaces à visiter. L’important étant que vous ameniez le patient à voir cette proposition comme un voyage, qui aura plusieurs étapes. Le déroulé est propre à chacun, de même que l’induction. Puis vous lui demander de se focaliser sur le ressenti de son cœur physique qui bat dans sa poitrine, qui soutient sa vie à chaque seconde depuis bien avant sa naissance. Et vous lui demandez de se placer lui-même tout entier dans le cœur, dans la première partie de son exploration, et de décrire le lieu ou le paysage dans lequel il se trouve. Utilisez les cinq sens, permettez-lui de ressentir pleinement où il se trouve, de percevoir son environnement. Une fois l’induction faite et l’atmosphère propice établie, il y a peu d’interventions à faire. Vous guidez le patient dans un périple qui se déroule sous vos yeux, dont vous découvrez les étapes au fur et à mesure. Vous saupoudrez de notions telles que se centrer, être vraiment à sa place, dans le lieu du cœur, au cœur de soi-même, là où se trouvent les ressources naturelles de la personne. Et vous serez surpris comme je l’ai été, comme le sont les patients qui révèlent les trésors qu’ils ont en réserve.

Voici quelques exemples. Mme Geneviève T., jeune retraitée à qui je rends hommage car elle a inspiré le titre de cet article, grâce au travail effectué dans sa pratique du yoga. Dans les Yoga Sutras de Patanjali il est question d’un espace intérieur « lumineux et serein », un lieu d’harmonie exempt de souffrance. Elle parvient, après un certain parcours, à reconnecter avec son esprit d’aventure et son envie d’aller de l’avant, de découvrir, de marcher. Elle est au désert avec les Touaregs, elle suit la caravane, se sentant protégée de loin. Devant la tente le soir, allongée sur le sable elle regarde le ciel avec l’impression que les étoiles vont lui tomber dessus. Elle contemple cet infini qui l’étreint. Elle se sent appartenir à ce monde, dans une communion silencieuse avec ses compagnons de route. Elle est reliée et ce cadeau de la nuit lui offre le courage de ne pas abandonner le jour venu. Le vent rend la progression difficile mais ils parviennent à une bâtisse où les attendent des femmes qui chantent et préparent le thé à leur arrivée. La plus âgée du groupe la prend par les épaules, lui sourit, en signe d’encouragement et d’admiration pour la route parcourue. (Ici, prenez tout le temps nécessaire pour établir un accordage affectif par tous les sens.) Puis, elle quitte le désert pour une prairie verdoyante où l’herbe est abondante, nourrie par un ruisseau où elle va tremper ses pieds dans l’eau fraîche. Une fillette blonde vient à sa rencontre et se blottit dans ses bras, avant de lui cueillir un bouquet de fleurs des prés. Ensemble, elles regardent l’eau qui s’écoule paisiblement en fredonnant une chanson, en appréciant le moment présent. Elle en reçoit le message que le changement est bénéfique, car rien n’est figé, fini ou définitif, elle peut faire confiance au mouvement de la vie. Voici un récit sous forme de voyage.

Pour E. jeune femme stressée, il s’agira simplement d’un lieu, un endroit où se tenir. Que ce soit une cabane au fond des bois en hiver où ronronnent un chat et un feu de cheminée, alors que la radio joue de vieux morceaux de jazz au loin. En ce lieu elle peut sentir comme il est réconfortant de se recentrer, se reconnecter, ne rien faire. Elle qui est si active goûte alors le calme, l’apaisement, la simplicité de l’essentiel. Ou encore, elle visite une tente magique aux dimensions changeantes, colorée, accueillante, aux objets hétéroclites venus du monde entier, des coffres, des tapis anciens, de l’encens. Dans cet endroit riche en surprises elle revient au plaisir du fantastique, de la magie de l’enfance où tout est possible. Elle rêve à nouveau.


Monsieur M., ingénieur, féru d’astronomie, se présente comme souffrant de troubles anxieux et d’un naturel cartésien. Il se laisse pourtant prendre au jeu de voyager jusqu’à son cœur. Il pénètre un ballon entièrement blanc, qui varie jusqu’au violet et enfin au noir le plus complet, arrivé à ce stade il est en transe profonde. Il reste longuement dans ce vortex de lumière changeante, qui lui permet de sentir son corps dans l’espace proche (ce qui est rare dans son cas puisqu’il scrute le ciel intersidéral, et paradoxal). Il passe ensuite dans l’eau translucide d’une planète océan, il se ressource et apprécie le sentiment de fluidité, « rien ne sert de s’inquiéter, la vie peut être légère ». Ensuite dans un monastère tibétain en haut de montagnes, très surpris car il n’y pense jamais, écoute le gong qui résonne comme les battements de son cœur. Il entre dans une forme de méditation spontanée et parle de la sagesse dans le cœur, pour finir sur la phrase « La puissance de l’esprit est aux commandes ». Il se retrouve enfin, à son tour, dans un désert brûlant, désolé, entièrement seul. L’extérieur est si chaud qu’il ressent le froid de la solitude à l’intérieur. Il en reçoit le message que la solution est de s’ouvrir. Il en est affecté, se met à respirer profondément, puis laisse le chaud entrer alors que le froid peut sortir. La lumière et la chaleur du soleil le rapprochent de la chaleur humaine, qui seule lui permettra de sortir de son isolement. Il conclue son voyage par la phrase « le cœur c’est la vie ». La pratique du lieu du cœur peut donc amener un espace intérieur où se retrouver, où respirer à son aise et à sa place. C’est un lieu où se relier, où revenir aux vérités simples de son humanité.

Il s’agit aussi d’un espace où faire face à qui nous sommes, dans les difficultés que nous rencontrons. Pour monsieur M. dont nous venons de parler, notamment ses problèmes relationnels avec son épouse, ou ses enfants devenus grands. Pour des problématiques de violences et d’abus notamment dans l’enfance, ce lieu est très important. Le point clef étant que le cœur lui-même offre une expérience de confiance et de bonté. Une personne très dure envers elle-même s’était exclamé « c’est bizarre, il n’y avait rien de sombre en moi ! ». Le thème de la lumière et de la chaleur intérieures revient souvent. Ainsi la croyance en ses propres manques et défauts, dans le fait d’être mauvais voire indigne de la condition humaine, ne tient pas face à cette expérience. Une telle pratique peut vraiment permettre aux gens de se rapprocher d’eux-mêmes et de s’accepter un peu mieux. Essayez, et vous verrez. Comme dans les contes de fée et les légendes, le voyage vers le lieu du cœur est une aventure.


Nicolas D’Inca,



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