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L’animal de pouvoir chamanique, un allié pour la guérison

« Mes esprits

Sont comme des oiseaux,

Et les ailes

Et les corps sont des rêves. »

Chant Jivaro


Les peuples animistes de la planète ont recours à une méthode de soin particulière, faisant appel aux forces qu’ils appellent esprits alliés ou animaux de pouvoir. Ces pratiques, qui semblent éloignées du soin par l’hypnose, nous sont-elles accessibles ? Et pourquoi pas complémentaires de notre usage des ressources internes dans la transe ?



L’animal médecine pour les peuples traditionnels

Nous devons la notion « d’animal de pouvoir » aux peuples autochtones, notamment d’Amérique. Néanmoins pour tous les peuples animistes, chaque être étant doué de vie, il a un esprit. Pour ces peuples, tous les êtres vivants dont les animaux ont une âme semblable à la nôtre, malgré les apparences. Et les guérisseurs initiés peuvent contacter et utiliser ces présences lorsqu’ils se plongent dans un état accru de conscience. Avec des résultats parfois spectaculaires. Les Senecas de la nation iroquoise ont une société globale des Animaux-Médecine qui entretient des liens étroits, physiques et spirituels, entre les êtres humains et les animaux. Puis il y a des sociétés spécifiques selon le guérisseur : celle de l’aigle, très puissante, qui s’efforce de restaurer à la vie les hommes au seuil de la mort par des rituels et des danses, arborant des costumes ornés de plumes. La société de l’ours soigne des maladies spécifiques, celle de la loutre se concentre sur la magie des femmes et travaille avec l’eau, la société du bison prépare un plat de viande et des chants qui apportent la guérison.


Pour ces peuples "animistes", tous les êtres vivants dont les animaux ont une âme semblable à la nôtre...

Toutes les cultures qui sont restées proches de la nature vivent en bonne intelligence avec leur milieu, et traitent avec égards leurs « frères » animaux. Ils entretiennent mêmes avec eux des relations sociales, de bon voisinage, mais aussi d’amitié ou de parenté. Le lien spirituel qui les unit ensemble et avec leur Créateur est toujours au premier plan. Souvent, l’ancêtre de la tribu ou du clan est un esprit sous forme animal. Les différentes générations sont elles-mêmes représentées par un animal. Cela est figuré par le mât totémique du Nord Est de l’Amérique, par exemple, qui constitue l’arbre généalogique complet d’un clan. Cet « animal totem » représente un groupe donné, et non un animal individuel comme on le lit parfois par erreur. Ou encore c’est d’un animal mythique que viennent les traditions et les usages sacrés, comme le raconte par exemple le mythe Koriak de Corbeau, le chamane ancestral. Chaque peuple en fonction de son habitat naturel connaît et honore les forces en présence. Et non seulement les côtoie, mais par le monde des esprits, peut aussi les habiter et en recevoir les dits « pouvoirs ». Dans cette vision du monde, l’être humain ne peut vivre, ne peut se soigner qu’en lien avec le reste de la création vivante, les plantes, les animaux, les éléments.


Un double spirituel

Comme l’écrit Annie Pazzogna, spécialiste des Indiens des plaines, l’animal qui contacte le cœur de la personne en jeûne et en prière dans la solitude, est une sorte de miroir. « En adoptant l’attitude de l’animal et son langage, ses caractéristiques peuvent être acquises : instinct, intuition qui est intelligence directe, de même que la connaissance des secrets de la Terre. L’être trouvera ainsi sa véritable nature dissimulée dans les méandres de son inconscient. » Puisque l’animal est autant intérieur qu’extérieur à l’être humain, il fait partie de sa nature, de son âme. C’est la part la plus semblable à la vérité de son cœur, qui met en avant certaines de ses qualités.


Le grand guérisseur Sioux-Lakota Tahca Ushte (Lame Deer) dans son autobiographie De mémoire indienne, raconte sa première rencontre avec l’esprit animal lors de sa quête de vision. « Soudain, j’entendis crier un grand oiseau, puis rapidement il me frappa le dos et me toucha de ses ailes étendues. J’entendis le cri d’un aigle, plus fort que les cris de nombreux autres oiseaux. Il semblait dire : Nous t’avons attendu, nous savions que tu viendrais. A présent, tu es là. Ta voie commence ici (…) Tu auras toujours un esprit avec toi – un autre toi-même. »

Michael Harner corrobore cette signification de l’esprit gardien, « souvent un animal de pouvoir, un être spirituel qui non seulement protège et sert le chamane, mais devient son alter ego ou une autre identité pour lui. » Puis il ajoute, « par l’intermédiaire de son esprit gardien ou animal de pouvoir, le chamane se connecte au pouvoir du monde animal. » Ainsi la frontière entre les mondes est abolie et une forme d’alliance est retrouvée. Se relier à elle apporte plus d’équilibre et de vitalité, plus de force et plus d’unité à la personne, qui est ainsi réunie avec une part d’elle-même qui sinon lui ferait défaut. Ce n’est pas morcelant comme nous pourrions le craindre ; bien au contraire. La personne qui a perçu son esprit allié possède comme un autre soi sous forme animale, et peut ainsi mieux communiquer avec la nature – celle du monde, et celle qui est profondément en lui.

Pratique moderne des animaux de pouvoir

A la suite des travaux de l’anthropologue américain Michael Harner, les modernes ont accès à une synthèse nommée « core shamanism ». Ce chamanisme essentiel reprend le noyau des pratiques ancestrales, fond commun de l’humanité dénué de folklore. Harner a enseigné le « voyage chamanique » à des milliers d’Occidentaux. Il a mis à disposition du public des outils d’expérimentation des capacités insoupçonnées de l’esprit humain. Dans cet état que nous reconnaissons comme étant une transe profonde, le pratiquant accompagné du son du tambour et de diverses danses ou postures, se déplace dans le monde invisible. « Le chamanisme est une entreprise expérientielle et individuelle, dans laquelle le chamane communique directement avec les esprits et voyage dans les règnes spirituels. » écrit par ailleurs Claude Poncelet dans Le chamane intérieur. Puisque le chamanisme est une voie d’apprentissage direct, chaque pratiquant est invité à réaliser pour lui-même ces rencontres dans l’invisible. Harner a établi des protocoles et a structuré ledit voyage, avec des indications précises. Ensuite, au son du tambour battant, le cerveau change de fréquence et la personne gagne l’état de transe où elle peut commencer à voir, à percevoir, certaines présences. Et selon l’intention qui a été posée au préalable, elle peut faire la connaissance d’un esprit allié, un animal de pouvoir. Une fois la rencontre et l’alliance officialisées, la personne est libre de lui poser des questions, en recevoir des directions, ou même lui demander son aide pour guérir. Elle peut ainsi se sentir accompagnée et davantage reliée à son intuition naturelle. Elle retrouve sa capacité d’auto-guérison et de prendre soin de sa santé, tel l’animal sauvage.

Les mythes originels du monde entier présentent l’âge d’or où les humains et les animaux parlaient ensemble et se comprenaient. Dès lors, les sociétés animistes cherchent à rétablir ou à maintenir les liens entre humains et non humains, qui sont indispensables à l’équilibre de leur société et à leur survie. Le rôle du chaman ou de l’homme-médecine est de garantir une bonne entente. C’est la voie des peuples anciens, les animistes. Ces peuples premiers n’ont pas quitté l’unité entre l’homme et l’animal, et n’ont pas suivi notre séparation arbitraire entre la nature et la culture. C’est aussi ce qui se passe chez les jeunes enfants, pour qui il est tout naturel de prêter des intentions et des émotions humaines aux animaux ou aux choses. Et il en va de même dans les rêves. L’hypnose nous ramène à ces manières de percevoir plus fondamentales. Pour nous Occidentaux modernes, souvent citadins, ce retour à l’animal doté de pouvoir, doté de qualités intérieures, peut nous transmettre certaines forces si nous les écoutons attentivement. C’est une des raisons du succès actuel du chamanisme. Retrouver les liens au monde vivant, à l’instinct naturel en soi et aux autres habitants de la terre que sont toutes ces présences animales.


Nicolas D’Inca,


A lire

Michael Harner, La Voie du chamane, Mama éditions, 2011

Lame Deer & Richard Erdoes, De mémoire indienne, Plon, 1977

Annie Pazzogna, Totem, animaux, arbres et pierres, mes frères, le Mercure Dauphinois, 2008

Claude Poncelet, Le chamane intérieur, éditions Vega, 2016



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